
"Quand il y a plusieurs mecs et qu'on s'emmerde, faut qu'on trouve quelque chose à faire. S'il faut cramer une bagnole, on le fera, et puis voilà." Parce qu'ils s'ennuyaient, ou pour prouver aux copains qu'ils étaient les plus forts, Karim, Frédéric et Morad se retrouvent aujourd'hui dans l'un des 1400 foyers qui accueillent des mineurs délinquants.
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Des actes punis par la loi
"Il faut simplement constater que plus souvent que par le passé, les jeunes nient leurs responsabilités, n'assument pas les conséquences de leurs actes", explique Jean-Pierre Rosenczveig, Président du tribunal pour enfants de Bobigny. La loi ne punit pas de la même façon contraventions, délits et crimes, tous actes considérés comme contraires aux intérêts de la société. Selon la gravité de l'infraction commise, la procédure est différente. Les contraventions les moins graves sont jugées par le tribunal de police, ou par le juge pour enfants. Lorsque le mineur commet un acte plus grave, il se retrouve automatiquement devant le juge pour enfants. Jean-Pierre Rosenczveig : "le but n'est pas de juger un jeune, rapidement, sur ce qu'il est, le but c'est d'engager l'action pour qu'il ne soit plus, demain, le délinquant qu'il a été hier." Le juge peut décider de statuer seul, dans son cabinet, ou de renvoyer le mineur devant un tribunal pour enfants. Enfin, les adolescents âgés de 16 à 18 ans ayant commis un crime sont passibles de la cour d'assises des mineurs. Dans tous les cas, les audiences se dérouleront à huis clos.
Prévenir ou punir
Il faut savoir qu'en matière de délinquance des mineurs, la loi française privilégie la prévention sur la répression, et qu'elle pose comme principe qu'un enfant âgé de moins de 13 ans ne peut pas être pénalement responsable de ses actes.
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Il ne pourra donc être condamné qu'à une peine éducative : placement en foyer, réprimande du juge, liberté surveillée, réparations des torts causés... le rôle du juge peut aussi consister à rétablir l'équilibre dans le contexte familial de l'enfant, en rappelant aux parents leurs devoirs, et au besoin en leur fournissant une aide pour bien tenir leur rôle de parents. Au delà de 13 ans, le juge peut décider d'envoyer le mineur en prison, une mesure vécue très différemment par les deux parties. Jean-Pierre Rosenczveig : "la prison ne sera pas présentée comme une fin en soi, mais comme le temps d'une prise en charge (...) je te mets en prison aujourd'hui, mais je vais faire en sorte que tu sortes le plus vite possible, et là, tu devras avoir un stage, une scolarité..."
Tofik, condamné 4 fois à la prison, entre 14 et 17 ans : "Je me suis dit, j'ai 14 ans, jamais ils me mettront en prison (...) La fois où ça m'a fait le plus mal, c'était à Beauvais. On était à 6 par cellule, j'étais avec des violeurs, des meurtriers (...) T'es tout seul... Y a plus ni papa, ni maman, t'as qu'à te démerder." Pour les mineurs de moins de 16 ans, l'emprisonnement reste cependant exceptionnel, la priorité étant donnée aux mesures éducatives. Et de toutes façons, la peine est toujours inférieure de moitié à celle qu'encourrait un délinquant majeur qui aurait commis le même délit. En 1996, 3660 mineurs sont passés par la prison, alors qu'il y a seulement 370 places qui leur sont réservées. Les séjours ont une durée moyenne de 2 mois.
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Jean-Pierre Rosenczveig, Président du Tribunal pour enfants de Bobigny
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le Tribunal pour enfants de Bobigny
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le foyer Concorde
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Réapprendre la société
Mais la prison n'est pas, heureusement, la seule solution, et la majorité des jeunes délinquants est accueillie dans l'un des 1400 foyers, public ou privés, qui ont pour mission de leur réapprendre à vivre en société : "Ici, les jeunes rencontrent beaucoup plus de contraintes qu'en prison. Ils sont obligés de se prendre en charge, d'aller à l'école, de participer à la vie de la maison (...) je crois que ce n'est pas du tout un paradis terrestre", explique Gérard Pringault, directeur des foyers Concorde. Morad semble avoir pourtant retrouvé au foyer un but dans sa vie :
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"Pourquoi je veux être pompier ? Pour essayer de rattraper moi-même les conneries que j'ai faites précédemment (...) pour montrer que ne suis pas inutile (...) que je ne suis pas un voyou, comme mon père le pense."
Préventive ou répressive, la justice des mineurs devrait être au cours des prochains jours au cur des débats entre le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur. C'est le premier ministre qui tranchera, et quelle que soit sa décision, souhaitons qu'elle aide tous les Eric, Morad et Karim à retrouver une place dans la société.
Bibliographie et adresses utiles
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