www.france3.fr
 
 
 



Le langage des banlieues
 
 
Jean-Pierre Goudaillier
Professeur de linguistique, Jean-Pierre Goudaillier est vice-doyen de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales-Sorbonne de l'Université René Descartes (Paris V), directeur du Département de Linguistique Générale et Appliquée et responsable du Centre de Recherches Argotologiques (CARGO) de cette même faculté.
 
Incompréhension
La réaction de peur envers le langage des cités peut s'expliquer par la nature même des banlieues. C'est une population qui est littéralement, au "ban du lieu", c'est-à-dire qu'elle est exclue de la ville principale; on sait que ceux qui vivent dans les cités en sortent très rarement. Auparavant, dans les grandes villes, il y avait un véritable brassage de population. Artisans, ouvriers, bourgeois, commerçants, riches et pauvres ne cessaient de se cotoyer. C'est une des raisons qui a permis aux mots des argotiers de passer petit à petit du langage populaire au français de référence. De nos jours, ce brassage n'existe plus, les couches sociales plus défavorisées sont repoussées à la périphérie des grandes villes. Les mots restent connus uniquement des gens de la cité, ce qui donne l'impression d'une langue parallèle et menaçante.
 
Emprunts
à la langue arabe : ahchouma "honte"
bzazel(s) "seins"
haram "péché"
 
à la langue tsigane : gadjo "gars"
gadji "fille"
chourav "dérober"
 
à la langue africaine : djiangalaimé "fils de pute"
larlarato "idiot"
tous deux du soninké, Mali
 
Marseille
Marseille est une ville structurée en villages. Le langage des banlieues y est très spécifique car les nouveaux mots sont issus d'une immigration propre à la région :
   1.    immigration récente :pays d'Afrique et d'Afrique du Nord
   2.    Les langues romanes (italien, espagnol, portugais...)
   3.    ce qui reste des anciens parlers locaux et/ou régionaux (provençal, corse...)
 
Code secret
L'argot a souvent été le moyen d'exprimer des idées interdites. En U.R.S.S. pendant le régime communiste, chaque goulag (camp de travail forcé dans l'ex U.R.S.S.) avait son argot. En Tchécoslovaquie, plus particulièrement à compter du Printemps de Prague, certains groupes de dissidents, étudiants et intellectuels, avaient pour habitude de s'exprimer dans un langage codé dans le seul but de ne pas être compris de la police politique.
 
Savez-vous parler le langage des banlieues ?
Ça s'fait ap
Ça ne se fait pas
 
Il a roulé à donf avec la seucai. L'est dangereux, c'te keum ! L'est complètement ouf !
Il est allé très vite avec la voiture. C'était dangereux. Il est fou de rouler si vite.
 
Transpirer sa race !
avoir très peur
 
 
 
archives courrier bientôt l'équipe glossaire à propos...